Richebourg Patrimoine et Nature

Pour préserver le cadre et la qualité de vie de Richebourg...

HISTORIQUE DES LAVOIRS ET DES LAVANDIERES

 

Journées du Patrimoine Septembre 2015
En partenariat avec "Il était une fois Richebourg"

 

Les différentes sortes de lavoirs communaux :
  • Lavoirs au bord de rivière avec une pierre basse inclinée vers l’eau, appelée aussi « Pierre à laver »
  • Lavoirs à « impluvium » (ciel ouvert) alimenté en eau par un toit incliné vers l’intérieur à 1 pan ou 2 pans ; ex : Lavoir des Honnins.
  • Lavoirs en « forme d’anse de panier » ou en « berceau » (lavoir des fontaines) (contrebas d’un chemin)
  • Lavoirs couvert par un simple toit à 4 pans, qui surplombe une mare ou cours d’eau.

 

Lavoir au bord d'un cours d'eau

 

 

À l'origine, le lavoir est une pierre plate ou une simple planche posée au bord d'un cours d'eau, d'une mare ou d'une source, sans abri, puis il a été construit des lavoirs en panneaux de bois.
A partir de la moitié du 19ème siècle, les briques ou les pierres de la région sont devenues les matériaux utilisés pour construire des murs autour du lavoir et le recouvrir avec un toit d’une ou deux pentes en petites tuiles plates.
Pour éviter aux lavandières les courants d’air, certains architectes conçurent des lavoirs à façades aveugles éclairés par une ouverture zénithale comme « le lavoir des Honnins »

 

Le lavoir des Honnins


Le lavoir est le plus souvent public, gratuit ou payant selon les communes, mais peut être privé, attaché à une seule maison ou une seule ferme et pouvant être mis à la disposition de voisins moyennant une redevance.
Exemple : 40 centimes pour un lavoir couvert, 25 centimes pour un lavoir non couvert et c’est le garde champêtre qui encaissait les redevances.

 

A Richebourg, les lavoirs ont accueilli les lavandières jusqu’à la fin des années 60 (1969).
Le grand lavoir des Honnins recevait jusqu’à 12 laveuses.
Le petit lavoir des Fontaines recevait 8 à 10 laveuses.
Le lavoir privé de, anciennement Mme FREY, pouvait recevoir 2 laveuses, payant jusqu’à « un sou » par lessive.

Le lavoir reste en usage jusqu'à la moitié du xxe siècle, puis il est remplacé par les lessiveuses en 1951.

LA LESSIVE :

La « grande lessive » qui concerne le gros linge (draps, torchons, chemise de travail....) est faite deux fois par an (en avril, de préférence à Pâques et en octobre) ; La fréquence dépendait de la richesse de la famille, les plus pauvres les faisaient trois ou quatre fois.
Le linge usuel (linge de corps) est savonné régulièrement puis rincé à une mare voisine.

Pendant tout l’hiver on a conservé les cendres (châtaigniers, frênes, charmes, d'ormes sauf le chêne) et on les tamise quelques jours avant la lessive; ces cendres sont indispensables car elles renferment du carbonate de potasse ;

Les 3 grandes opérations de la « buée » :

  • Le premier jour, la veille de la grande lessive, c’est le prélavage

On « essange » le linge: on le laisse tremper toute une journée et une nuit dans de l’eau tiède pour qu’il dépose une partie de ses grosses souillures.

  • Le deuxième jour, le lessivage se faisait en 2 opérations :

1° Opération, l’encuvage :
La ménagère place non loin de la cheminée, le lourd trépied de bois sur lequel est déposé un large cuvier; il est percé à sa base d’un trou garni de bouchon de paille ou d’un bâton de cannelle, servant de bouchon filtrant.
Le cuvier pouvait avoir un mètre trente de haut et un mètre cinquante de diamètre et contenir jusqu’à 400 litres d’eau
Remplissage du cuvier :
- Des branches de thym et de «flambes» (fait de morceaux de rhizomes d’iris séchés pour le parfum) et aussi une botte de un petit fagot de sarments de vigne (ne se décolore pas) qui servent de drain.
- Ensuite on disposait un vieux drap qui devait recouvrir les parois internes du cuvier et même dépasser de quelques centimètres les bords du cuvier. Ce drap, le plus souvent en chanvre, servirait de filtre pour retenir les cendres et ne laisserait passer que le produit lessiviel bouillant (le carbonate de potasse) lors du coulage à chaud.
- Les pièces de linge disposées en plusieurs lits, le linge le plus sale en dernier; Les linges plus fins seront parfois prélavés à part. Entre chaque couche de linge, bien égalisée, on épandait des lamelles de savon et des chapelets de racines odorantes. Une fois cette pyramide montée à 15 cm du bord, on rabattait le drap d’enveloppement.
- Le cuvier est recouvert du «charrier», la grosse toile de chanvre.
- La cendre, appelée aussi «charrée» est étalée sur une épaisseur de 10 à 15 cm et les bords du «charrier» sont relevés et attachés pour former un bassin au-dessus du cuvier.

 

Le cuvier

 

2° Opération : Le coulage ( ou échaudage ou ”bugade”):
Pour que la bue fût bonne, la première coulée se faisait avec de l'eau chaude (surtout pas bouillante pour ne pas cuire la saleté) ; puis on faisait, lentement, couler l'eau (une soixantaine de litres environ), de plus en plus chaude, puis bouillante sur la charrée.
La solution alcaline qui résultait de la macération des cendres végétales dans l'eau agissait comme lessive.
Parfois, on y ajoutait des orties en décoction qui forçaient plus encore le blanchissage.

La femme, munie d’un pot avec un long manche, verse sur les cendres (ou charrées) l’eau qui chauffe depuis tôt le matin dans une chaudière suspendue à la crémaillère de la cheminée ; l’eau, en s’infiltrant dans le linge, dissous le carbonate de potasse de la cendre (une petite opération chimique bien simple) et s’écoule lentement par le trou du baquet ;
La ménagère recueille cette eau, la verse dans la chaudière et reprends de l’eau chaude pour la verser à nouveau sur les cendres ;
Lorsque l’eau de lessive ressortait du cuvier presque bouillante, la lessive était faite.
Il suffisait de laisser refroidir jusqu’au lendemain matin en recouvrant le cuvier d’une couverture pour maintenir la chaleur.
Il fallait surveiller la température et les quantités car une lessive trop "forte" pouvait ruiner le patrimoine vestimentaire familial.
Cette opération "coulage" durait de l’aube au crépuscule (10 à 12 heures).
On l’appelle aussi la "buée" parce que cette journée se fera, le plus souvent, à la « buanderie » dans une épaisse vapeur, la fumée envahissante de l’âtre et l’odeur fade du linge qui a longuement bouilli

  • Le troisième jour, les laveuses professionnelles « décroutent la lessive », c’est-à-dire prennent les pièces de linge du cuvier et les placent dans la brouette (ou sur le « bât » de l’âne).

En route vers la fontaine, chaque femme portant les ustensiles nécessaires : le crochet, le savon, la torche de paille, les brosses, la boîte à laver, les battoirs et les sabots sans oublier le piquenique, le cidre, le vin et la « goutte »...
Le lavage des linges retirés du cuvier se fait à l'eau courante et propre de la fontaine ou du simple ruisseau, de la rivière ou au lavoir ;
La torche de foin est jetée à l’eau afin d’isoler la lessive particulière du reste du lavoir.
Chaque laveuse prend sa place selon un ordre bien déterminé le long de la pierre inclinée, agenouillée dans une boîte de bois garnie de paille dite "barrot", ou «garre genoux ».

 

Barrot et battoir

 

Rappel de l’Arrêté relatif aux lavoirs des Fontaines de Richebourg, le 11 juillet 1847 :

Articles 3 et 5:
3 - Afin d’éviter toute discussion pour les places, les laveuses de lessives tiendront la tête de la fontaine, les échangeuses et autres laveuses pendront rang après les lessives.
5 - Toute personne qui ne se conformera pas au présent arrêté sera traduite devant le Tribunal de la Justice de Paix du canton de Houdan.

 

Munie d’une brosse, la lavandière frotte le linge sur sa planche à laver, long support plat en bois munis de rainures.

 

Brossage du linge         Planche


Elle le frappe avec son battoir ; les draps et torchons étaient ainsi tordus, tapés à tour de bras, trempés, rebattus et trempés encore....

 

Le battoir

 

Cette étape terminée, les lavandières font un rinçage sommaire et une vérification de propreté ou de blancheur.
Elles jettent le linge dans l'eau, le rincent, l'examinent, puis le frottent à nouveau avec des tampons mouillés contenant de la cendre, le rincent et le tordent en le pliant plusieurs fois.
Quand intervenait le rinçage en eau vive, la lavandière se saisissait à nouveau du battoir pour évacuer l’eau du linge.
Pour la dernière fois le battoir servait à essorer le linge rincé.
Ainsi le lin écru, à force de lavages répétés, devient blanc.
En général, une solide barre de bois horizontale permettait de stocker le linge essoré.

Pour avoir du linge "plus blanc que blanc" certaines lavandières avant de le sécher trempaient une dernière fois le linge dans un bain d’eau claire où macérait dans un chiffon noué une "boule de bleu" (poudre à base d'indigo) pour l’éclat et des racines de saponaires pour l'assouplir. (Poudre bleue provient de l’indigotier ou l'indigo des teinturiers (Inde, Java).

Bien que les journées furent longues et épuisantes (plus de 15 heures) et malgré les mains engourdies par le froid, c’était pour les lavandières une agréable journée... elles pouvaient « caqueter et cancaner », mais aussi chanter pour se donner force aux bras et cœur à l’ouvrage.

Le blanchissage ou séchage est aussi assez éreintant; en effet, cette dernière opération consistait à étendre le linge au soleil, en plein champ, l’arroser à plusieurs reprises avec un arrosoir et le retourner deux à trois fois.
Pendant trois jours, le soleil et l’eau achevaient « de lui donner un lustre et un blanc très parfait ».
A partir du XIXe siècle, certains lavoirs disposent d’eau courante équipée par la collectivité et les lavandières ne s'y rendaient plus pour laver le linge, mais pour l'y rincer.

 

Les lavoirs avaient une importante fonction sociale.

Certaines femmes s'y rendaient à titre personnel tandis que d'autres y exerçaient les métiers de lavandières, laveuses.
Le lavoir représentait un des rares lieux où les femmes pouvaient se réunir et échanger. L'activité de nettoyage du linge étant physiquement très difficile, le fait de la pratiquer de façon collective la rendait plus facilement supportable : les femmes pouvaient discuter entre elles, plaisanter, chanter... Des conflits surgissaient également parfois.
Il est de tradition de dire que dans ces espaces de vie réservés aux femmes, les langues sont aussi vives que les battoirs !
La tutelle masculine était rejetée et dans les cafés, loin des oreilles féminines, les hommes faisaient les « farauds » en parlant de :
L’hôtel des bavardes...du moulin à paroles...de la chambre des députés... et prétendaient qu'au lavoir on blanchit mal le linge mais qu'on salit bien les gens!


Encore maintenant de nombreuses expressions populaires ont trait à la lessive:
Une soupe à l'eau de lessive; Faire une lessive de Gascon, c'est retourner son linge sale au lieu de le laver....

 

Quand on allait rincer le linge au lavoir, à la fontaine, les lavandières voyaient cette eau qui coulait, voyait tout le savon, toutes les impuretés partir. Elles avaient l’impression que non seulement le linge était propre, mais que « Soi-même », leur « Etre », se trouvait comme purifié.

 

Les femmes, professionnelles ou non, avaient leurs Patrons et patronnes :
Les blanchisseuses : St Blanchard, 10 mars.
Les lingères : Ste Véronique, 4 Mars.
Les lavandières : Ste Marthe, 29 Juillet et Ste Claire ou Clarisse, le 12 Août.

 

Conclusion :

Voilà pourquoi les lourdes armoires de nos grands-mères fleuraient bon mille senteurs champêtres. Et ce n’était certes pas le bas de laine rebondi d’écus caché entre les piles de draps qui contrariaient cette délicate fragrance... Car l’argent c’est bien connu, n’a pas d’odeur...

 

Extraits : « Richebourg Pittoresque » - Mme Jacqueline GONTIER .
« Les moulins de FONTAINE-FOURCHES » (seine et marne).

 

Texte : Véronique LELIEVRE et sources citées - Photographies et images : Karine NAU-FRAMBOURT